Le vol à voile au Maroc :
une histoire déjà longue

Par sa situation géographique, son relief et son climat, le Maroc est par excellence le royaume du vol à voile ; celui-ci y est encore peu développé, pourtant sa pratique est déjà ancienne.

Les premiers centres de vol à voile furent ouverts vers 1950 à Fès  et à Rabat/Salé. Si ce dernier, près de l’océan, n’eut que peu d’activité, le centre de Fès fonctionnera pendant une quinzaine d’années, avec Kranich II, Air 100 et Emouchet, déménageant chaque été pour des raisons climatiques vers l’aéroport d’Ifrane plus en altitude dans le Moyen-Atlas. Des gains d’altitude et semble-t-il quelques distances y furent réalisées.

Peu après la fin du protectorat français le 2 mars 1956, l’activité cessa à Fès, et les planeurs restèrent au fond du hangar. Henri Dumortier, pilote de chasse et vélivole bien connu, après avoir débuté le planeur à Constantine (Algérie)  vola à Fès entre 1955 et 1958, alors qu’il était jeune commandant d’escadrille sur la base de Meknès. Quand il revint sur la base aérienne de Marrakech en 1972, il relança l’idée du vol à voile auprès du commandant de base pour la formation initiale des pilotes. La renaissance d’une activité à partir du parc qui subsistait à Fès fut envisagée. Mais le hasard en décida autrement : l’avion devant emmener à Fès le commandant de base et le directeur de l’avation civile n’ayant pas pu remplir sa mission suite à un incident technique, celle-ci fut reportée et n’eut finalement jamais lieu... Déjà le site de Beni-Mellal, situé au pied du Moyen-Atlas, à moins de 200 km de Rabat, Casablanca et Marrakech, avait été pressenti.

La renaissance

Mais l’idée était parvenue aux oreilles du général Kabbaj, commandant de bord sur 747 à la Royal Air Maroc, pilote de l’avion royal, grâce à qui le roi Hassan II échappa de peu à un attentat en 1973 et qui, suite à cet évènement, fut nommé Inspecteur des Forces Royales Air et chargé par le souverain chérifien de reprendre en main son armée de l’air. Grâce à sa poigne, et l’idée ayant germé, l’inauguration du Centre Royal de Vol à Voile de l’Atlas (CRVVA), annoncée dès 1984 , eut lieu finalement en grande pompe le 3 mars 1987  sur ce même terrain de Beni-Mellal. Le CRVVA, créé avec la vocation de former les pilotes marocains, tant militaires que civils, mais aussi de créer une nouvelle activité touristique dans le pays en attirant les pilotes étrangers, reste encore aujourd’hui le seul à pratiquer régulièrement le planeur dans le pays.

Nombre de ses membres sont issus de Royal Air Maroc, d’autres sont des vélivoles français établis dans le pays. L’essentiel de l’activité se déroule en vol local, les circuits étant l’exception ; même l’utilisation en vol de l’appareil photo seul utilisé il y a encore peu de temps pour les points de virage était tout à fait mal vu par les autorités militaires, sans parler des problèmes que pourrait poser une éventuelle vache… Jacques Béreaud, venu dès mai 1987 tâter le terrain en compagnie de quelques autres pilotes d’Arcachon, réussissait à partir de Beni-Mellal des circuits de 100 à 300 km, mais dans des conditions assez difficiles (2000 à 2500 m de plafond) et essentiellement en plaine, la transition avec le Moyen-Atlas s’avérant délicate ; sa conclusion interrogative  laissait poindre un doute sur les possibilités réelles de ce site : « Beni-Mellal, Béni des dieux du vol à voile ? ».

La Route des Cigognes inaugure en 1989 un nouveau type de vol à voile dans le pays, la randonnée collective en motoplaneur, avec le succès que l’on sait. Elle pousse pour la première fois jusqu’au sud du Haut-Atlas l’année suivante et défriche ainsi les zones désertiques et encore vierges du grand Sud marocain, en prospectant les terrains d’Ouarzazate mais aussi Er-Rachidia (anciennement Ksar-es-Souk) et Zagora.

Quelques motoplaneurs allemands (Stemme, ASH 26) réussissent, eux, en solitaire des périples depuis le continent et retour, mais j’ignore malheureusement dans quelles conditions.

Mis en appétit par sa traversée Vinon - Fès, Gérard Herbaud revient à Ouarzazate en mars/avril 1994, par la route cette fois, avec Jean-Loup Niox  et son Nimbus 3 DM : ils réalisent  des vols de 600 à 750 km, essentiellement sur  la plaine au sud et à l’est, avec des cumulus à 4500 m. Ces conditions extraordinaires sont d’une très grande régularité, ce qui n’est pas le cas en Afrique du Sud, commente-t-il.

Enfin, du 6 au 30 mai 2000, à l’initiative de Didier Chevalier, alléché par sa participation à la Route des Cigognes 1998, le stage à Ouarzazate prend le relais avec, pour la première fois là-bas des planeurs non autonomes, et, à ma connaissance, les premiers 1000 km réussis au départ du Maroc…

Denis FLAMENT