Un aller-retour de 730 km en Twin !
Didier Chevalier nous raconte ce beau vol réussi le lundi 15 mai en 8h30
sur le Twin-Astir du CRVVA, malgré le train d’atterrissage bloqué sorti.

 9h45 : les cumulus grossissent déjà depuis plus d’une heure sur les premiers  reliefs au nord. Henri Josse et moi- même décollons avec notre Twin 1 immatriculé CN-GMFK que le club de Beni-Mellal a mis à notre disposition, pour un modeste vol sans but fixé, en direction du terrain d’Er Rachidia au km 265, point de virage idéal pour la future épreuve de 500 km qu’envisage mon ami Henri. Largage à 1700 m (le terrain est à 1 153 m, nous parlerons en QNH) - montée à 2400 m avec des Vz de 1,5 à 2,5 puis 3 m/s, pointe à 4.
10h : Cap à l’est vers les premiers cumulus à 30 km très hauts dans la vallée. Ca changera du relief que nous avons souvent gratté en thermique pur ces deux derniers jours. Sous le premier cumulus nous trouvons déjà du 3 m/s. Nous quittons à 2700 m car ça faiblit. Un petit cheminement  nous conduit à Aït-Saïd au km 40 sous les beaux cumulus puis les gorges du premier relief. Nous raccrochons 300 mètres au-dessus du relief au nord de Skoura avec en récompense le plaisir des yeux sur ce petit oued. Nous pouvons contempler la végétation qui descend de la montagne ainsi que de magnifiques vestiges de kasbah. Plafond à 3000m - nous nous rapprochons d’un relief plus haut, aux couleurs grises, et un thermo-dynamique à 3m/s nous hisse à 3500 m.
10h50 : Nous avons parcouru 60 km mais gagné 1 800m. Après avoir cheminé à 160/180km/h au badin (plus de 200km/h au GPS compte tenu du vent et de l’altitude) nous nous retrouvons à 2 700 mètres soit environ 500 mètres / sol à cet endroit ; la plaine du Dadès à notre droite nous laisse 1000 m supplémentaires de dégagement si nécessaire. Nous bloquons un 4 m/s pointe à 5 que nous quittons à 4 400 m bien en dessous des bases (pas d’oxy à bord quel dommage…). En vol dauphin, le Twin chemine allègrement à 250 km/h au GPS (190 indiqué).
A 3300m, nous nous sentons à nouveau un peu bas : Henri casse la vitesse et nous respirons, puis cheminons pour reprendre 500 m sans spiraler sous des cumulus dont nous évaluons la base à plus de 5000 mètres. Nous survolons les fameuses gorges du Dadès au travers de Boumalne, ce qui nous rappelle notre vache au dernier vol sur l’aérodrome militaire près de la caserne, non utilisé mais posable avec possibilité de dépannage air. Ces fantastiques gorges taillées à la verticale serpentent à l’intérieur des roches aux différentes teintes de rouge et d’ocre qui ondulent comme des vagues en suivant les strates de l’érosion. Le contraste entre la pierre aride et un sublime vert intense génère un vario de plus de 5m/s bloqué et nous fait découvrir peu après les non moins célèbres gorges du Todra qui débouchent sur la ville verdoyante de Tinerhir. Les deux vallées se perdent 60 km au nord à plus de 3 000 m dans un relief fait de hauts plateaux et de gorges constituant un des plus beaux sites de l’Atlas.

On file vers Er Rachidia
11h10 : Nous avons parcouru 100 km en 1 heure et 10 minutes. Travers Tinerhir à 3 900 m nous suivons la première ligne de crête qui longe la vallée du Todra au sud de l’Atlas. Un coup d’œil au passage sur une zone  posable repérée avec Jean Fabrégas il y a deux mois à la sortie de Tinerhir. Ca doit être là mais nous sommes trop haut pour voir les détails.
11h35 : 3 300 m à l’alti et une demi-heure sans spiraler. Er Rachidia est à 100 bornes. Je vois une rue de nuages au cap. Cheminement à 100/130 km/h en cherchant le gros vario - toujours 3 500 m au bout de la rue.  Henri me fait éviter une grosse erreur. Cap plein sud pour 20 km  vers un gros cumulus à 4 à 5 m/s  puis à gauche un gros alignement 10° au sud du cap d’ Er Rachidia au km 75. Nous passons à Tinejdad - très verte vallée au nord du Jbel Ougnat avec des paysages grandioses. Il est 11h55 et descente à 3000 m sous l’alignement (2000 m sol), puis travers sud de Goulmima. On se paye le luxe de mépriser un 4 m/s pour voir un cumulus plus magnifique encore…
Nous sommes au km 33 d’Er Rachidia. Contact radio sur 122,7. Le terrain à portée de main  est nettement visible avec ses 2500/3000 m de piste en dur (un ou deux vols commerciaux par semaine !). Nous sommes loin de Clermont-Ferrand qu’il devient difficile de contourner afin de photographier le barrage du Pradeaux sur les monts du Forez, mon point de virage favori découvert par Jacques Rantet, mais c’est une autre histoire…
Le contrôleur d’Er Rachidia nous appelle toutes les 5 minutes avec vent, piste en service et consignes en espérant probablement que nous nous posions pour lui tenir compagnie. Ce qui fut le cas il y a deux ans avec Stéphane Blondé et son Stemme : en  revenant de Tendrara (à la limite Est du Maroc, au km 500 de Ouarzazate...), nous étions trop juste avec la nuit (qui tombe vite ici) et le contrôleur fut remercié de son accueil par un baptême le lendemain avant notre retour sur Ouarzazate.
Nous survolons au passage le point vache « India » (dépannage air sur autorisation), 15 km avant Er Rachidia, repérable par un relief au sud semblable aux plateaux des canyons de l’Est américain. Il est maintenant 12h30, nous survolons le terrain d’Er Rachidia et Henri a une pensée émue pour son 500 km. Je décide de continuer à l’est car il est très tôt et les conditions devant nous me semblent exceptionnelles, avec 4 à 6/8 de Cu vers le nord-est.
13h00 - Nous sommes au km 330 en vue de Boudnib et du point de vache « Kilo » à 60 km de Bouanane. Nous restons bien au nord de la route goudronnée d’Er Rachidia à Bouarfa : la frontière algérienne est nettement plus au sud mais nous ne voudrions pas créer le moindre incident vis à vis des administrations qui nous ont autorisé ce stage. Les repères au sol sont clairs et le GPS fonctionne à 10 mètres près, donc aucune inquiétude à ce sujet.
Sur le désert avec + 8 m/s !
Le vent du 210/230° se met à forcir et ce  n’est pas de bonne augure pour le retour. La région est de plus en plus désertique, sèche et plate avec seulement une oasis de loin en loin. Le désert n’est pas loin avec les dunes de Merzouga, 80 km plus au sud. Il se fait tard et je commence à hésiter : Continuer ou faire demi-tour ? Devant à l’est c’est de plus en plus beau, très instable et un peu chargé (5 à 6/8) mais des bases colossales ; Denis à cet instant dans cette même zone intègre 7,2 m/s sur plus de 1000 m, avec des tours à 8,2 m/s, meilleure pompe de son séjour...
Henri s’inquiète du retour avec ce vent qui forcit (les calculateurs des copains indiquent 40 à 50 km/h du 210°, heureusement pour économiser les batteries la radio est coupée, car ça nous aurait brisé le moral). Je lui réponds qu’un 750 km en A/R ferait un peu de pub à notre Twin marocain. Nous continuons un peu par une rue de nuages cap à l’est. Nous passons Boudnib  à 3500 m en direction de deux oasis indiquées « Farm » sur la carte. Le km 350 est au prochain cumulus. Tiens, un peu de sable, ça change de la pluie de la région parisienne qu’il m’arrive de prendre à Buno. Les effets sur le profil ne semblent pas sensibles. Mais il est vraiment temps de faire demi-tour : c’est décidé, stop !
13h30 – WPT01, 30 km après Boudnib, on bascule sur GMMZ. Le GPS indique 362km en 3h30. « Henri, à toi les commandes, tu nous ramènes a Buno » - pardon ça doit être l’altitude - « de toute façon c’est tout droit et pas compliqué, 180 km/h entre les cumulus, le nez en l’air quand ça monte très fort en ligne droite et entre les deux 120/130 au badin » !
13h50  - km 320 de Ouarzazate. Ah…  une  gamelle , cap au sud-ouest côté soleil du cumulus avec le vent pile en face. La pompe n’est pas au rendez-vous... 3000 m, le Twin file sur sa lancée. Il faut que je m’applique à gérer les dégueulantes . Je vise une ligne de relief et repère le point de déclenchement sur un venturi le long de la crête. Le cumulus au-dessus est prometteur mais quelle chute avant d’y arriver : 160, 180 au badin, le vario dans le coma et 2 800 m en descente. Au point de déclenchement nous trouvons du 2 à 3m/s jusqu’à 3 500 m. Ce n’est pas terrible, autant continuer. Seulement 2 700 m, au-dessus du canyon au sud du lac d’Er Rachidia, mais en local du terrain et notre ami le contrôleur qui nous attend et nous confirme 20 à 25 kt de vent et la piste en service.
La rentrée promet d’être difficile. L’Atlas est très chargé, il faut contourner par le sud vers le Jbel Sarhro avec de bonnes Vz en ligne droite face au vent. Faisons le point : Zagora est en face et le vent aussi. On laisse l’Atlas et Ouarzazate 30° à droite,  pour passer au sud du djebel.  Nous sommes de nouveau à  4000m, et du 5m/s partout.
Beaucoup de virgas ou de sable dans le nord-ouest mais des dégagements et du soleil. Nous nous appuyons vers le Jbel Sarhro -  235Km de Ouarzazate et 80 km d’Alnif, il est 14h55. Nous apercevons un énorme soulèvement de sable qui monte jusqu’au nuage. Nous sommes à 3 400 m et cela va probablement chuter devant. Je voudrais bien ne pas y arriver à 1 000 m sol. Les conditions deviennent  musclées.
Maintenant, nous sommes bas et l’horizon est dégagé. Nous apercevons 8/8 de cirrus sur la rentrée. Nous oublions de suite le crochet par Zagora et cap retour par le nord du Jbel Sarhro mais pour cela il faut penser à monter. Gros vario, et re-4500 m avec un gain de 2000 m en 7 minutes. Henri plonge sur un alignement à 200 km/h badin et un vario à peine négatif pour enfin remonter à 4300m en tirant sur le manche.
15h30  -  km 180 de Ouarzazate et des cirrus de plus en plus épais. Cap sur Boumalne qui se trouve à 100 km. Si nous devons nous y poser, nous y passerons la nuit pour un dépannage air le lendemain. Henri Gabet est dans le secteur avec son DG 400. Nous glanons quelques infos. Nous allons longer la première arête basse au sud de l’Atlas comme à l’aller.
Une vache de plus à Boumalne ?
Nous sommes travers Tinerhir à 16h à 3 500 m ; il n’est pas tard, mais 25 kt de vent et des cirrus qui cachent complètement le soleil. Cap sur la vallée où il reste quelques petits cumulus et  peut être de la confluence. 3 000 m et un 3 m/s au km 130. On doit laisser Boumalne et sa piste à droite mais en gardant le local et un espoir de faire un plafond au km 100 pour assurer avec ce maudit vent ! 16h35 plafond maxi 4 700 m cheminement 4 800. Ca fait haut, on commence à manquer d’air, ma réputation à Buno va en prendre un coup. Nous négocions l’arrivée (4500 au km 100, 30 de finesse, vent de face -  il serait préférable de descendre à 20). A Boumalne Henri me conseille d’éviter les petits fractos dérivés de la crête par un fort vent ¾ avant qui ne donnent rien et nous font faire une courbe inutile. Verticale la ville, une ascendance de 1 m/s pointe à 2 nous paraît bien faible mais nous hisse à 4 800 m. Les gendarmes ne nous offriront pas le thé à la menthe ce soir mais nous sommes justes pour l’arrivée. Break à gauche vers plusieurs cumulus dans la vallée qui, je l’espère resteront actifs. Nous courons après la finesse 20. Il manque 500 m, il est 16h55 et  nous prenons tout ce qui traîne : 1,5 à 3m/s difficile à centrer. Le soleil perce un peu -  miracle : 3900m et du 2, 3... 4 m/s au km 70. Nous percevons l’odeur de l’écurie, la finesse est remontée à 25.
17h15, nous assurons un max. Cela serait bête de se mettre aux chamelles au km 10 après un si beau vol ! 2700 m : un petit mètre puis 2, pointe à 3 dans de l’huile et sans soleil.  Je ne sais pas ce qui donne cette Vz mais j’achète. 17h35 me dit Henri, peu importe il faut monter  - 3800 m . C’est gagné  la piste est en vue à gauche du lac et nous arrivons avec 400 m de rab pour un passage à la marocaine, sur la vent arrière avec 3000 m de béton en main droite.
Tout Va Bien : Train bloqué sorti -  pas de Volets - pas de Ballasts, et 730 km en Twin avec de très bonnes conditions en 8h30, sur une journée de 11 heures de vol possibles. Denis, ce même jour, tournera 1019 km malgré des voiles de cirrus et d’altocus à l’est et au sud-ouest. Avec une grande plume, voire un Janus et un peu d’eau les 1000 bornes étaient possibles sans problème, et encore cette journée n’était pas la plus extraordinaire ! Mais ce sera pour une autre fois.
Histoire de faire durer le plaisir…
Didier CHEVALIER

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